Vaccination des adolescents contre la Covid : le dilemme de parents français de Londres

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Alors que le gouvernement britannique a annoncé fin septembre l’ouverture de la vaccination anti-Covid aux adolescents de 12-15 ans, Mathilde* a décidé que son aînée de 13 ans n’en ferait pas partie. L’école où est inscrite ma fille propose le vaccin, mais je préfère qu’elle n’y participe pas”, confirme cette maman française de Londres. Plusieurs raisons la poussent à faire ce choix. “Tout d’abord, parce que je préfèrerais qu’il y ait un peu plus de recul sur la vaccination des plus jeunes. Ma fille est en bonne santé, elle n’est pas dans une année stratégique scolaire comme le bac, et elle n’évolue pas dans un environnement avec des personnes fragiles, donc si je peux éviter de la faire vacciner, c’est mieux”, avance la quadragénaire, qui, elle, est vaccinée tout comme son mari.

Manque d’harmonisation

Seconde raison avancée, l’éventuelle non reconnaissance par le gouvernement français de la vaccination faite à Londres. “Ici, les 12-15 ans ne reçoivent qu’une dose”, lance-t-elle, contrairement à la France où les adolescents sont vaccinés comme les adultes soit avec deux doses. Un manque d’“harmonisation”, qui la convainc d’autant plus qu’elle a pris la bonne décision. “En Angleterre, il n’y a pas de pass sanitaire donc ne pas faire vacciner ma fille n’aura aucune incidence dans sa vie quotidienne”, rappelle-t-elle. A contrario, le gouvernement français vient d’étendre, depuis le 30 septembre, le pass sanitaire aux plus de 12 ans (et deux mois). Si Mathilde n’est pas inquiète pour les vacances de la Toussaint – “nous ne rentrons pas”, explique-t-elle – ou pour Noël – “nous resterons qu’une semaine et nous n’avons pas l’intention d’aller au restaurant” -, ce sont plutôt les vacances d’été 2022 qui la stressent déjà.

L’Etat français envisage en effet d’étendre ce pass sanitaire jusqu’au 31 juillet prochain. Un projet de loi a ainsi été présenté dans ce sens mercredi 13 octobre en conseil des ministres. “Lors des vacances estivales, on reste en général plus d’un mois, et j’aimerais que ma fille, et du coup aussi mon fils qui fêtera ses 12 ans mi-juillet, puissent profiter d’activités et n’aient pas à se faire tester tous les 3 jours”, lance Mathilde. Certes si les tests PCR et antigénique resteront à partir du 15 octobre gratuits pour les mineurs, il n’empêche, la Française n’envisage pas cette option. La mère de famille reconnaît que ses enfants pourraient alors se faire vacciner de l’autre côté de la Manche, mais là aussi, il existe un manque d’harmonisation puisque le gouvernement britannique ne reconnaît toujours pas la vaccination faite dans un pays étranger.

Ce que Cylia Rousset-Carpentier confirme. Sa fille de 16 ans a été vaccinée cet été en France, et depuis c’est un chemin de croix pour faire reconnaître cette double vaccination. “C’était évident pour moi de faire enregistrer cette information auprès du NHS, au cas où le pass sanitaire serait d’un coup obligatoire à l’école, dans le métro ou ailleurs. J’ai donc appelé mon GP quand on est rentré de France début septembre, on m’a répondu qu’il n’y aurait pas de problème pour enregistrer les vaccins dans le système. J’ai envoyé toutes les preuves nécessaires mais je n’ai eu aucune nouvelle pendant 15 jours”. Cylia Rousset-Carpentier finit par rappeler le centre médical, et une autre personne lui répond alors que la démarche n’était pas possible.

“Qu’importe la décision qu’on prend, on se retrouve toujours dans une situation compliquée”

Le NHS, n’ayant pas information de cette vaccination déjà faite, ne cesse donc pas d’envoyer des courriers au domicile de la Française pour que sa fille aille se faire vacciner. “C’est de l’argent perdu et une perte de temps que de m’envoyer toutes ces lettres. Ils feraient mieux de reconnaître cette vaccination. Mais on sait bien que tout ça n’est que politique”. La Française regrette presque de ne pas avoir attendu septembre pour faire vacciner sa fille à Londres. Surtout que les plus de 16 ans reçoivent bien deux doses, contrairement aux 12-15 ans. “Mais je ne voulais simplement pas qu’elle ait un été compliqué. Finalement, on se rend compte qu’importe la décision qu’on prend, on se retrouve toujours dans une situation compliquée”.

Lilia*, elle, a fait le choix de faire vacciner sa fille de 15 ans à Londres. C’est son école qui a été en charge, en lien avec le NHS, de l’organisation de la campagne. Elle ne regrette pas ce choix, même si elle sait que cela va compliquer les choses à leur retour en France pour les vacances de la Toussaint. “J’ai vu que le pass sanitaire était maintenant étendu au plus de 12 ans, mais au fond je me suis dit qu’il serait peut-être possible que ma fille reçoive une seconde dose une fois en France. Le délai entre les deux injections sera bien respecté, il manquera plus qu’à voir avec notre médecin de famille pour s’assurer que cela sera faisable”.

Une première dose en Angleterre, puis une seconde en France pour s’aligner sur les politiques des deux pays

Cette mère de famille estime que la plupart des parents français qu’elle connait se sentent “en quelque sorte pris en otage”. “On ne sait plus quoi faire, on veut suivre les instructions de notre pays de résidence, mais notre pays d’origine n’applique pas du tout les mêmes règles. Et c’est comme ça depuis le début de la crise sanitaire”. Divergences sur la vaccination à l’AstraZeneca autorisé pour les plus de 40 ans au Royaume-Uni mais seulement pour les plus de 55 ans en France, mais aussi sur les tests obligatoires à l’arrivée en Angleterre même si les personnes sont vaccinées alors que de l’autre côté de la Manche ils ont été supprimés… “Franchement en un an et demi, on aura tout vu, ça devient un peu fatiguant à la longue ! Même si on a de la chance dans ma famille de ne pas avoir été touché par la Covid, il n’empêche, on n’en peut plus”.

Flavie n’est pas française, mais suisse. Mais elle possède une maison en France où elle se rend régulièrement. Elle se sent donc très concernée par la décision du gouvernement français d’étendre le pass sanitaire aux enfants de plus de 12 ans. Surtout qu’elle a fait le choix elle aussi de faire vacciner son adolescent à Londres. “Je m’étais déjà posée la question en août quand on est rentré pour les vacances. J’étais prête à le faire vacciner”, raconte la maman, “sauf que la vaccination faite à l’étranger n’était pas, et ne l’est toujours pas, reconnue par le système de santé anglais”. Flavie a donc attendu que la vaccination soit ouverte aux plus de 12 ans en Angleterre.

Gymnastique administrative

Cependant, elle a déjà anticipé les vacances de la Toussaint. “J’ai appelé les autorités suisses pour leur demander s’il était possible que mon fils reçoive une seconde dose une fois sur place. Le but est qu’il puisse avoir un pass sanitaire suisse et ainsi voyager et aller avec nous au restaurant par exemple”. Son adolescent recevra donc bien une deuxième injection. “Comme cela, le système anglais le reconnaîtra comme entièrement vacciné, puisqu’il aura eu sa première dose ici et donc cela sera suffisant pour qu’il ait un certificat de voyage, et sa vaccination sera aussi valide en Suisse et dans le reste de l’Europe”, se réjouit Flavie qui regrette cependant la position de l’Angleterre vis-à-vis du reste des pays européens. “C’est la seule à n’administrer qu’une dose, et cela a pour conséquence de nous faire subir une vraie gymnastique administrative”.

Surtout, elle reproche au gouvernement anglais son interférence sur le pouvoir de décision des parents. “Si on veut que notre enfant ait deux doses, on devrait avoir cette liberté là”, lâche la maman. Aussi, elle ne comprend pas que tout se passe à l’école. “J’ai essayé d’inscrire mon fils via le site du NHS pour se faire vacciner dans un centre, afin que je sois à ses côtés, mais cela n’a jamais marché”. Flavie lève par ailleurs la question des enfants qui n’avaient pas ou n’auront pas encore 12 ans au moment des campagnes de vaccination dans les établissements scolaires. “Pour ceux nés en novembre ou en décembre, comment cela va se passer ? Le gouvernement prévoit-il d’organiser des campagnes tous les mois ? Je ne suis pas sûre”.


*Le prénom a été modifié à la demande de la personne interviewée.

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