Chez The Flying Frenchman, la philosophie de vie, c’est de ne jamais rester les bras croisés, quoiqu’il arrive. Depuis le début de la pandémie, le fondateur de ce restaurant situé à Newington Green, dans le nord de Londres, a su se renouveler sans cesse : take aways, vente de pintes de bières à emporter, burgers maison (alors qu’il s’était juré de ne jamais en faire !)…
Bref, Guillaume Desmurs a affronté et affronte, comme ses confrères et consœurs restaurateurs, la situation du mieux qu’il peut. “Janvier a été catastrophique, il y a une ambiance délétère, mais à mon réveil chaque matin, je me demande toujours ce que je peux faire pour rendre les choses plus optimistes”. C’est certainement ce qui a permis au Français de tout de même sortir son épingle du jeu depuis un an. “Il y a aussi le fait que le restaurant est situé dans un quartier très ancré dans l’esprit de communauté”. Donc l’entraide, par le soutien au commerce local, a joué un rôle important dans la survie de son entreprise, et d’autres.
“Quelle honte !”
Justement, cet esprit d’entraide, Guillaume Desmurs a décidé lui aussi d’en faire preuve. Si tout a commencé en novembre dernier, les choses viennent de prendre une tournure plus officielle il y a quelques jours avec le lancement de “Dinner is served”. L’objectif est de cuisiner des repas et fournir des produits alimentaires pour les enfants les plus démunis des écoles du quartier. Une action dans la droite ligne du mouvement lancé par le footballeur anglais, Marcus Rashford. Même si son projet n’a aucun lien direct avec celui le joueur de Manchester United. “Je ne savais même pas qui il était et ce qu’il avait fait jusqu’à il y a trois semaines quand j’ai vu en ligne les photos des paniers repas de l’Etat pour les enfants défavorisés”, raconte Guillaume Desmurs.
Sur ces photos, on pouvait voir que ces paniers, censés contenir pour une valeur de £30 de produits à cuisiner et à manger, se résumaient à tout sauf à ça. Une mère de famille a photographié le contenu reçu et on pouvait en effet y voir un petit sachet de pâtes, une boite de conserve de haricots blancs en sauce, deux pommes de terre, une tomate, du pain de mie, trois pommes, deux carottes, des tranches de fromages sous film transparent et trois yaourts sous forme de tube. Colère et consternation pour cette maman, qui rappelait que ce contenu devait représenter une semaine de nourriture pour son enfant. “Quand j’ai vu ça, j’ai vu rouge. Quelle honte !”, s’agace encore le restaurateur français, “je connais le prix de chaque produit de ce panier et on est loin des £30. C’est incroyable que certaines personnes n’aient aucun scrupule à voler l’argent des plus démunis”.
Créer un mouvement pérenne
Face à ce triste constat, Guillaume Desmurs voulait donc agir, “parce que Westminster passe son temps à faire des plans, mais en attendant des gens meurent de faim tous les jours dans ce pays, la pauvreté est réelle”. Donc, “au lieu d’attendre une reprise de l’activité”, le Français a décidé de se retrousser les manches, comme il avait déjà tenté de le faire en mars 2020, lors du premier confinement. Mais à l’époque, il s’y était cassé les dents. “Je voulais apporter aux personnes âgées du coin de la soupe de poulet. J’avais donc pris contact avec la municipalité et des associations mais tout le monde se renvoyait la balle et personne ne voulait prendre de décision”.
Guillaume Desmurs a donc voulu faire les choses autrement à l’automne dernier. Le restaurateur avait alors lancé une bouteille à la mer sur le groupe Facebook du quartier avec l’idée de fédérer des personnes autour d’un projet simple : confectionner des repas pour les enfants les plus démunis. Un jeune chef, James Taylor, qui travaille pour l’école à quelques mètres de son établissement, prend contact avec lui. Tout s’enchaîne rapidement et en deux semaines, les deux hommes cuisinent 80 à 100 repas par jour. Jusqu’à la réouverture des restaurants autorisée par le gouvernement britannique début décembre. “Finalement, avec la nouvelle fermeture et le confinement en janvier, je me suis dit que c’était le bon moment pour relancer le projet”. Mais de manière plus structurée et pérenne cette fois-ci.
C’est ainsi qu’est né, fin janvier, “Dinner is served” avec la mise en place d’une cagnotte en ligne afin d’aider les deux chefs, rejoints par deux autres du quartier, à acheter entre autres la viande mais aussi les emballages afin de livrer les familles via les écoles. “L’objectif est que nous réalisions 60 plats chacun tous les mercredis”, explique Guillaume Desmurs. Chaque panier sera composé avec 3 repas cuisinés mais aussi de produits alimentaires pour le reste de la semaine. Le Français espère que ce ne sera que le début d’un mouvement plus large. “On voudrait créer une vraie dynamique et que plus de gens nous rejoignent ou prennent eux-mêmes des initiatives”. Et peut-être même voir cet élan dépasser les frontières de Newington Green.