Conseils de patronne : être une femme dans le monde de la tech et de la finance

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camille rougié tech

A 29 ans, Camille Rougié a co-fondé en novembre dernier l’entreprise tech Plural AI, qui permet d’automatiser certaines tâches répétitives et chronophages (récupérer des informations, des données sur Google, nettoyer des fichiers Excel…) pour les personnes travaillant dans des hauts secteurs d’activité de la finance. “On s’adresse à des banques d’affaires, des fonds d’investissement. Les gens qui y travaillent sont des personnes à haute valeur ajoutée, qui perdent souvent leur temps à faire des choses qui n’ont aucun sens. Notre objectif est donc de créer un assistant de recherche grâce à l’intelligence artificielle. On aimerait que cela permette, via le langage naturel, d’automatiser des analyses, créer des rapports…”.
La jeune femme n’a pas eu peur de se lancer dans ce secteur de la tech et est même en train d’y faire sa place. Pas simple pourtant quand on est une femme d’évoluer dans ce domaine d’activité. Camille Rougié le reconnaît. Elle a même participé lundi 5 mars, dans le cadre de l’événement “Women in Tech” organisé par l’Ambassade de France au Royaume-Uni, pour justement discuter de la place accordée aux femmes dans ce secteur encore largement dominé par les hommes.

L’envie d’entreprendre avant tout, peu importe son âge

Camille Rougié, ancienne étudiante en Sciences-Po, est arrivée il y a 6 ans au Royaume-Uni pour étudier un master en langues à Oxford, après quelques expériences dans le monde de la finance et des banques d’affaires à Paris. Elle travaillera ensuite pour un centre d’investissement à Londres et une start-up qu’elle décide de quitter en septembre dernier. “J’ai toujours eu envie de créer mon entreprise, et de le faire avant mes 30 ans”, confie Camille Rougié.
Elle n’a donc pas hésité et s’est lancée. Le fait d’être une femme ne l’a pas freiné bien au contraire. “C’était ce que j’avais envie de faire, donc j’ai saisi l’opportunité quand elle s’est présentée”. Elle avoue tout de même que son parcours professionnel est souvent vu comme exceptionnel. “Moi, je ne le ressens pas comme ça. Je pense que si les gens réagissent ainsi, c’est qu’il est vrai que les femmes sont un peu des licornes dans le monde de la tech et de la finance. C’est un animal rare, donc les gens vous remarquent plus rapidement”.

La tech, ce monde impitoyable

Travailler dans un monde d’hommes demande à une femme d’être plus agressive, plus énergique, confie Camille Rougié. Si la gent féminine est moins présente c’est aussi parce que la tech et la finance sont des secteurs avec de réelles contraintes objectives. “L’amplitude horaire est énorme. On peut passer des nuits blanches à travailler, il y a les voyages, les week-ends de travail. Et cela est souvent peu compatible avec une vie de famille”.
De facto, les femmes sont peu présentes dans ces domaines d’activité. “Et puis, les hommes ont tendance à se mettre davantage en avant, contrairement aux femmes. Dans les banques d’affaires, ce sont elles qui travaillent le plus durement et pourtant peu de gens les voient. Simplement parce qu’elles n’ont pas le goût de l’exhibition”.

Trouver un.e associé.e au même diapason

La création de Plural AI s’est faite après une rencontre, celle d’avec Jaron Collins. Camille Rougié, après avoir quitté son travail en septembre 2017, s’est inscrite  à Entrepreneur First, qui permet de mettre en relation des porteurs de projets. C’est là qu’elle a rencontré son futur associé, un ingénieur irlandais. “Le plus dur quand on veut monter une entreprise, ce n’est pas de trouver l’idée, mais plutôt le bon associé. J’ai essayé de mettre en place des projets seule ou avec d’autres personnes, mais cela n’avait pas fonctionné”. Pour la Française, la première cause de l’échec d’une entreprise, c’est le manque d’un cadre clair et de complémentarité des compétences.
Pour elle, fonder une entreprise, c’est comme un mariage. “On s’engage sur le long terme, il faut donc choisir le bon partenaire. L’entreprise est un peu l’enfant du couple d’associés, et on doit la faire grandir, la former, l’éduquer. La discussion est la base-même de la relation et on doit partager les mêmes valeurs, regarder dans la même direction”. Ce qu’elle a trouvé en Jason Collins. “On avait la même idée, mais on empruntait juste des chemins différents pour l’exprimer. Travailler avec le bon associé, c’est très stimulant et les choses vont deux fois plus vite”.

Accepter d’être une femme et le revendiquer

Pendant toute sa carrière, Camille Rougié n’a pas souhaité mettre en avant le fait qu’elle était une femme dans un monde d’hommes. Si elle a accepté de participer à l’événement organisé par l’Ambassade de France lundi 5 mars, c’est qu’elle n’a jamais senti de changement sur la condition des femmes dans ce secteur.  “Le problème est tellement ancré dans nos sociétés, que j’ai eu l’impression qu’on n’en parle jamais assez. On doit donner la parole aux femmes, en en faisant justement tout un plat”.
Etre visible, représentée le point de vue de la gent féminine, notamment dans le monde de la tech et de la finance, c’est ce que souhaite désormais Camille Rougié. “Si on s’y met toutes, dans 20 ans, on n’aura peut-être plus besoin de ce genre d’événements et d’en parler autant”. La Française revendique sa personnalité, son tempérament. Elle ne se considère cependant pas comme une missionnaire de la cause des femmes, mais elle se nourrit de sa motivation personnelle pour contribuer à faire bouger les lignes. “J’ai envie de bousculer les codes, utiliser des méthodes qui décoiffent”.

Des différences flagrantes entre la France et le Royaume-Uni

Camille Rougié a expérimenté le marché du travail des deux côtés de la Manche. Elle a pu constater de vraies différences entre la France et le Royaume-Uni. Si pour la première, beaucoup y voit un pays conservateur, elle note que les femmes y sont davantage mieux considérées. “Il existe une couverture sociale, un congé parental. Elles ne se posent pas la question de savoir si elles peuvent ou non retourner travailler après leur congé maternité”. A la différence du Royaume-Uni, où “c’est un vrai sujet”. “Beaucoup de femmes se demandent si cela en vaut la peine de retrouver son poste, car le coût de la garde des enfants est très élevé. En plus, la couverture sociale n’est pas la même qu’en France”.

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