Covid-19, Brexit : les expatriés français face à de multiples interrogations

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Crédit : Shutterstock

Ils sont venus au Royaume-Uni pour améliorer leur anglais, faire une pause dans leur vie ou prendre un nouveau départ. “Le marché du travail est moins rigide”, “les opportunités d’emploi ne manquent pas”, “les gens plus ouverts”, comme aiment raconter certains… Mais tout cela a un peu changé à cause de la Covid et du Brexit. Ces deux événements sont en effet venus rebattre les cartes, faisant naître difficultés et doutes dans la vie de nombreux expatriés français. 
C’est le cas de Léa Lacoste. Après une année passée en Irlande en tant que fille au pair, la Française de 21 ans s’est établie à Manchester. “Un an, ce n’est pas assez pour améliorer comme il se doit son anglais, souligne-t-elle pour justifier la prolongation de son séjour. Puis j’ai le sentiment de me sentir plus libre ici, le marché du travail ne voit pas que par les diplômes et les gens sont plus ouverts.” Mais l’épidémie de la Covid-19 a quelque peu modifié ce tableau. Du fait du confinement, son entreprise a licencié des employés, dont Léa Lacoste. Depuis, sa situation s’est compliquée : cela fait maintenant presque 7 mois qu’elle ne parvient pas à retrouver un emploi, tandis que ses économies partent en fumée, et qu’aucune aide sociale ne lui est accordée. 

Une vie affectée par la Covid 19

Aurélie Salumu a elle aussi été charmée par le nombre d’opportunités qu’elle a eu alors qu’elle venait d’arriver à Londres mi-février et qu’elle cherchait du travail. Le temps d’en trouver un dans son domaine, elle a accepté un job alimentaire à Prêt à manger. Emploi qui est finalement devenu sa seule source de revenus… et son pire cauchemar. “On m’avait dit qu’au niveau sécurité du travail ou sécurité sociale la France était privilégiée. Mais je ne m’attendais pas à être confrontée à un tel marché du travail en Angleterre, malgré mes recherches avant de partir, notamment sur les contrats zéro heure.Entre les arrêts maladie au bon-vouloir du manager, les incitations financières promises en échange d’un retour au travail durant le confinement qu’elle ne verra probablement jamais, et les journées de travail en sous-effectif et sans pause, la jeune femme considère qu’elle en a vu assez. “En France, de telles situations iraient au Prud’hommes pour bien moins que ça”, soupire-t-elle. 
Léa Lacoste et Aurélie Salumu ont alors compris, à leur dépend et du fait de la pandémie, que l’Angleterre est un pays plus libéral que la France, où certes le marché de l’emploi est plus ouvert mais aussi moins protégé, où les aides sociales sont peu accessibles et où le coût de la vie est plus élevé malgré un salaire minimum inférieur à celui de son voisin. “Ici, on peut clairement parler de survie”, en rigole tout de même Aurélie Salumu. La Parisienne se moque même gentiment de ses compatriotes qui se plaignent des 75€ mensuel de la carte Navigo dans la capitale française, quand un abonnement ne permettant de ne prendre que le bus à Londres coûte £80. 

Un éloignement difficile à vivre

En plus d’affecter les expatriés français sur le plan financier, la pandémie les chamboule dans un tout autre domaine : le terrain émotionnel. Margaux Voisinne a 23 ans et vit à Londres depuis 2 ans. Du fait de confinement, elle s’est retrouvée en chômage partiel. Un premier dilemme s’est alors posé à elle. “J’avais très envie de retourner en France pour être avec ma famille pendant cette période compliquée. Mais je ne savais pas si dans l’hypothèse où mon travail reprendrait, je pourrais revenir au Royaume-Uni sans me voir imposer une quatorzaine.” Elle a donc fait le choix de rester sagement chez elle à Londres, jusqu’au mois de juin, date à laquelle elle a enfin pu quitter le sol britannique. “Je suis revenue en Angleterre juste avant la mesure de la nouvelle quatorzaine. Avant, j’avais pour habitude de rentrer régulièrement passer un week-end en France. Aujourd’hui, je ne peux pas me le permettre, et ça me coûte beaucoup”, soupire-t-elle. 
Sentiment que partage également Samy et Sophie Zerr, jeune couple français habitant à Londres depuis trois ans. “Comme nous travaillons à notre compte pour notre réseau social LVRSNFRNDS.com, nous n’avons pas eu de problème niveau professionnel. Pour autant, ne pas voir la famille pendant longtemps a joué sur le moral. Sans parler des voyages entre les deux pays…”. La jeune femme, expatriée parisienne, a en effet une dent contre la société Eurostar qu’elle accuse de profiter de son monopole pour proposer des prix ahurissants. “En juillet, on pouvait enfin aller voir notre famille. Mais 300€ l’aller-retour par personne, ce n’était clairement pas possible. Aujourd’hui, pour des raisons écologiques, il faudrait privilégier le train à l’avion. Le problème, c’est que les trajets aériens restent souvent moins chers…” Outre le prix des liaisons, la fréquence des voyages a également été réduite : Margaux Voisinne se désole que moins de vols soient proposés et que de nombreux Eurostar à destination de la France soient aussi supprimés

Le Brexit, cette grande incertitude

Malheureusement, la Covid-19 n’est pas la seule difficulté à laquelle les Français vivant au Royaume-Uni sont confrontés cette année. Le Brexit apporte également son lot de complications et d’interrogations. Margaux Voisinne a certes un emploi, mais elle est avant tout étudiante. Suite à l’obtention de sa licence en France, elle est venue à Londres pour se donner le temps de réfléchir à sa poursuite d’études. Mais si elle les a reprises cette année, ce n’est pas uniquement parce qu’elle avait enfin trouvé sa voix. “Le Brexit a été déterminant dans mon choix. Pour être franche, je n’étais pas pressée de reprendre, mais en tant que citoyenne de l’Union européenne, je pouvais encore bénéficier de bourses pour l’université, ce qui ne sera plus le cas l’année prochaine.” Grâce à cette aide financière, la jeune étudiante voit son coût d’inscription à l’université divisé par deux pour ses deux années de master, ce qui n’est pas négligeable. 
Ismaïl Bensassi a quant à lui fini ses études, mais est confronté à des difficultés sur le terrain de l’immobilier. “J’ai un projet d’achat dans les un ou deux ans à venir, mais le climat d’incertitude engendré par le Brexit me retient, et me pousserait même à investir plutôt en France !” Le jeune homme craint en effet que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ait un effet dévastateur sur le plan économique. “En cas de Brexit dur, la situation économique, qui n’est déjà pas très bonne du fait de la Covid, risque de se dégrader encore plus. Le pari du Brexit s’est fait sur la capacité du Royaume-Uni à négocier des accords commerciaux plus avantageux avec d’autres partenaires.” 
Un problème”, poursuit le jeune homme, puisque, selon lui, l’un de ces principaux partenaires sont les Etats-Unis, pays qui connaît de forts bouleversements du fait de la période électorale. Aussi, la signature de nouveaux accords expose le Royaume-Uni aux normes d’autres pays qui sur le plan de l’agro-alimentaire peuvent être très différentes de celles que connaît aujourd’hui l’île. Autrement dit, il s’attend à une récession économique et une qualité de vie diminuée dans les prochaines années. 

Mais pas de quoi décourager certains

Léa Lacoste soulève, elle, un autre problème. Son copain étant gallois, ils formeront bientôt un couple binational. Pour cette raison, elle projette de demander la nationalité britannique, chose à laquelle elle n’avait pas pensé jusqu’à présent. Même si pour le moment, c’est au Royaume-Uni qu’elle souhaite vivre, elle garde en tête le fait qu’un jour, elle voudra peut-être retourner vivre en France ce qui, du fait de sa relation avec un anglais, lui posera certainement quelques problèmes. 
Malgré ces difficultés, de nombreux expatriés français, à l’image de Léa Lacoste et Margaux Voisinne, n’envisagent pas de retourner vivre sur le continent. Les opportunités d’emplois ou le fait que Londres soit une ville cosmopolite y sont pour beaucoup. D’autres, cependant, ont décidé de faire leurs bagages : Samy et Sophie Zerr vont prochainement s’installer à Amsterdam, quand Aurélie Salumu a préféré rentrer en France. “Je ne garderai pas un mauvais souvenir de mon séjour à Londres, parce que je suis consciente qu’avec la Covid, les choses ne se sont pas passées comme elles auraient du, souligne cette dernière. Je ne m’interdis pas, si l’occasion se présente, de prendre un emploi permanent ici dans le futur. Par contre, je ferai les choses différemment : j’aurai un emploi assuré en montant dans le train”, se promet-elle. Londres, et plus largement le Royaume-Uni, semblent donc malgré tout avoir encore de beaux jours devant eux.

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