Coronavirus, congestion charge, Brexit : les restaurateurs français de Londres en plein doute 

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Aline Lhermitte, patronne du restaurant Mon Plaisir, garde la sourire malgré les difficultés auxquelles elle fait face.

Le maire est en train de tuer les commerces de cette superbe ville”. Ce sont les mots prononcés par Michel Roux Jr, chef du Gavroche, lors d’une interview accordée à The Telegraph fin août. Alors que les commerces du centre de Londres tentent d’éponger les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, Sadiq Khan a augmenté, fin juin, les tarifs du péage urbain. Comme leur homologue du Gavroche, d’autres restaurateurs français tirent la sonnette d’alarme sur cette nouvelle mesure, à laquelle s’ajoutent d’autres problématiques comme le Brexit. 
Instaurée depuis 2003 pour notamment lutter contre la pollution, la “congestion charge” a toujours eu pour objectif de limiter le nombre d’automobiles dans la capitale anglaise. De £5 la journée en 2005, elle est passée à £11.50 au début de l’année 2020, avant de voir son tarif à nouveau augmenté pour atteindre dorénavant £15… et ce, non plus seulement la semaine mais également le week-end ainsi que sur des plages horaires plus longues, allant jusqu’à 10 pm contre 6 pm auparavant. 

L’économie versus l’écologie

Ce n’est vraiment pas quelque chose dont nous avions besoin”, soupire Pascal Aussignac, chef du réputé Club Gascon. Comme d’autres restaurateurs londoniens, le Français partage les propos tenus par Michel Roux Jr dans The Telegraph. Ce dernier, patron de l’établissement deux étoiles Le Gavroche, y expliquait en effet ne pas comprendre la logique mise en place par la mairie londonienne : demander à la population d’utiliser le moins possible les transports en commun, mais dans le même temps, augmenter le prix de la congestion charge. “C’est anti-business. Une blague absolue”, s’était alors emporté Michel Roux Jr, qui n’a pas souhaité, malgré nos sollicitations, s’exprimer davantage suite à cette première et unique interview. 
L’économie devrait être primordiale en ce moment, le “greener cleaner” pourrait arriver plus tard”, s’exclame de son côté Jean-François Pioc, à la tête des restaurants Patron cave à manger. L’argument écologique est en effet mis en avant par le maire de Londres, qui souhaite proposer une reprise économique “plus propre et plus verte” après la pandémie. Le problème : le virus est encore là et affecte plus que jamais le centre de Londres, aujourd’hui complètement vide. Bien qu’un semblant de retour à la normale ait eu lieu ces dernières semaines, les grandes entreprises, à l’image de celles installées à la City, n’ont toujours pas ré-accueilli leurs employés. “Le télétravail reste encore maintenant la norme. Ces salariés ne font donc pas fonctionner l’économie londonienne”, se désole le chef du Club Gascon, situé en plein centre de la capitale anglaise. 
Il n’y a plus de touristes, la plupart des bureaux sont encore fermés, les activités artistiques tardent à reprendre ou sont annulées…, souligne également Aline Lhermitte, patronne du restaurant Mon Plaisir à Covent Garden. Ils pouvaient vraiment faire autrement.” D’autant plus que la différence est flagrante avec les quartiers plus résidentiels, comme Notting Hill. Effet de la Covid : les Londoniens restent davantage dans leur quartier pour éviter au maximum de se déplacer. Preuve est, selon Jean-François Pioc, dont l’un des restaurants se situe à Kentish Town, secteur non concerné par la congestion charge, “contrairement au centre-ville, la fréquentation ici a ré-augmenté. En termes de gain, le mois d’août 2020 est le même que celui en 2019”.

Des mesures qui ont donné de l’air aux restaurateurs, mais…

Cette augmentation du péage urbain est intervenue alors même que Sadiq Khan avait soutenu les commerces durant le confinement. En effet, la mairie londonienne avait par exemple donné la possibilité aux citoyens de participer à une cagnotte en ligne, baptisée “Pay It Forward”, afin de permettre aux restaurateurs de faire face à un manque de trésorerie. Cette mesure a notamment aidé le commerce d’Aline Lhermitte. “En 15 jours, on a récolté £20.000. On remercie vraiment du fond du cœur tous ceux qui nous ont aidés. Mais c’est vrai que ce fut un gros dilemme de savoir si nous participions ou non, nos clients étant eux-mêmes affectés par la situation”, souligne la patronne de Mon Plaisir. 
Eat out to help out“, aide mise en place par le gouvernement britannique au mois d’août, a également grandement soulagé les responsables d’établissement. “Cette campagne a été une véritable réussite. Les gens sont vraiment sortis, notamment en début de semaine pour profiter de l’offre”, se satisfait Jean-François Pioc de Patron Cave à manger. “Ça nous a fait du bien, on a réussi à faire des soirées à 65 couverts (pour une capacité de 92 en période normale, ndlr)”, ajoute de son côté Aline Lhermitte. 

“Les prochains mois seront décisifs”

Mais toutes ces aides prennent fin les unes après les autres, à l’image de la mesure sur la suspension temporaire des loyers qui s’arrête début octobre. Les restaurateurs replongent donc dans l’incertitude. “Une deuxième vague risque d’arriver en hiver. Si en plus il n’y a pas de vie pendant les fêtes de Noël, on va vraiment se retrouver dans le dur, se désole Pascal Aussignac, dont le restaurant étoilé au Michelin n’a rouvert que mi-septembre. On a une épée de Damoclès au dessus de nous, on est conditionné à tous les prochains évènements…” 
Et ce n’est pas de le dire. La preuve en est avec l’interdiction des regroupements de plus de six personnes, à l’intérieur comme à l’extérieur, imposée mi-septembre par le gouvernement britannique, qui les handicape déjà. “J’ai eu deux appels coup sur coup de clients souhaitant annuler leur réservation car ils ne pouvaient pas être plus de six à table”, regrette Aline Lhermitte. 
Mais le pire reste peut-être à venir. “Personnellement, la pandémie m’a fait oublier le Brexit”, avoue Jean-François Pioc. Bien qu’il ne soit pas la priorité numéro une, cet événement viendra à coup sûr rajouter son lot de stress, et ce notamment pour les restaurateurs français. 80% des produits de Patron Cave à manger proviennent par exemple de France, de même pour le restaurant Mon Plaisir.Personne ne sait à quelle sauce on va être mangé, ironise Pascal Aussignac. Ceux qui survivront les six prochains mois auront bien de la chance…”.

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