“J’ai l’impression d’avoir laissé mon bébé. Mais je n’avais pas le choix car j’avais une responsabilité vis-à-vis de mes clientes mais aussi des personnes qui travaillaient avec moi”. Agnès Gaudron a ouvert son salon de beauté et de coiffure dans l’ouest de Londres il y a presque deux ans, elle se faisait d’ailleurs une joie de pouvoir souffler les bougies le 15 mai prochain. C’était sans compter l’épidémie de coronavirus, qui a provoqué la fermeture de son institut qui commençait tout juste à décoller.
Pas question de contracter des prêts
Avec un gros pincement au cœur, la Française a donc pris la décision de fermer les portes bien avant que le gouvernement britannique ne prenne des mesures dans ce sens le 20 mars dernier. “Je ne pouvais attendre, dans l’esthétique on travaille au plus près des personnes, donc ce n’était pas raisonnable. Rester ouvert pour l’argent, ça ne m’intéressait pas, on parle là de responsabilité”.
Qui dit fermer les portes du salon, dit une perte de chiffre d’affaires. Si au départ, l’Etat n’avait annoncé aucune aide pour les “self-employed”, statut d’Agnès Gaudron comme des personnes qui travaillent avec elle, il a changé de braquet et propose dorénavant un dédommagement allant jusqu’à £2.500. Une bonne nouvelle pour la Française, qui a aussi reçu beaucoup de soutien de la part de ses clientes. “Certaines ont pris des bons de soins pour les utiliser à la réouverture. Ce soutien moral est très important dans ce contexte”, se réjouit-elle. Elle espère aussi que le propriétaire des locaux fera un geste sur le loyer. “Je ne veux absolument pas faire de demande de prêt car l’idée est, quand tout reviendra à la normale, de ne pas tout recommencer avec plus de dettes”.
Piocher dans ses économies…
Margaux Cras a choisi elle aussi de fermer son salon de coiffure situé à Finsbury Park mais elle garde le sourire. Elle a de quoi puisque la jeune femme a su gérer ses affaires au point d’avoir une bonne trésorerie, lui permettant de continuer à payer ses huit salariés. “Notre richesse ce sont les gens qui travaillent avec nous”, résume la Française. Très sensibilisée à ce qui se passait de l’autre côté de la Manche, l’entrepreneure et son associé avaient déjà pris des dispositions avant la fermeture du salon. “On avait mis à l’entrée du gel désinfectant que les clients devaient obligatoirement utiliser, on leur donnait des gants pour qu’ils puissent lire les magazines, on a utilisé des gobelets en carton jetables pour les boissons”, détaille Margaux Cras, “toutes les capes de coiffure étaient mises à la machine à laver après chaque passage de client”.
Elle-même a immédiatement arrêté de travailler quand elle s’est sentie malade, une de ses coiffeuses s’est mise également en quarantaine. “Mon but a toujours été de préserver les clients comme les salariés”. Et quand elle a décidé de fermer, elle s’est dit : “Je préfère perdre de l’argent que de mettre des vies en danger, il vaut toujours mieux prévenir que guérir”.
La Française a aussi dû arrêter les travaux de son deuxième salon, situé à Kentish Town et qui devait ouvrir dans les prochains mois. “On a pris la décision en deux semaines, cela nous permettait d’avoir un plus dans notre trésorerie pour faire face selon l’évolution de la situation”. Elle va pouvoir aussi compter sur l’aide gouvernementale sur le chômage partiel assurant une prise en charge à hauteur de 80% du salaire de ses employés. Dans le meilleur des cas, elle espère rouvrir son salon en juin, mais reste réaliste sur la suite. “Je pense que la reprise va prendre beaucoup de temps, il faudra au moins 9 mois pour que les choses reviennent à la normale”.
… et mettre en suspens ses projets
Maxime Maiano, fondateur de l’entreprise One to Wine, a quant à lui dû adapter son activité pour la maintenir. Le Français, dont l’essentiel des revenus de sa société provient de l’événementiel, avait déjà senti le vent tourner début mars. “On a constaté qu’il y avait de plus en plus de manifestations à Londres annulées, on savait alors que cela allait être compliqué”. La plupart de ses salariés sont rentrés dans la foulée en France ou en Italie étant donné le manque de travail. Lui est alors venu l’idée de monter une boutique en ligne. “On a tout créé en une semaine”, se réjouit le Français. Une nouvelle expérience pour lui qui n’avait jamais lancé d’e-shop auparavant. “Il a fallu qu’on se renseigne rapidement sur la législation sur les livraisons”.
Finalement, les choses sont allées très vite. Aujourd’hui, le site offre la possibilité de commander des caisses de 6 bouteilles composées de rouges et blancs, mais aussi de sparkling wine et d’un vin de dessert. Maxime Maiano planche également sur la mise en ligne prochaine de recettes faciles pour accompagner les vins. “J’aimerais aussi faire des cours en vidéo de dégustation pour les clients qui auront commandé”, commente le Français.
Grâce à quelques mois de réserves de trésorerie, le jeune entrepreneur espère tenir sur le temps de la crise de coronavirus. “Mais il ne faudrait pas que cela dure 5 ou 6 mois, sinon cela va devenir compliqué”. Il a pu prévoir un peu grâce à la forte croissance de son entreprise créée il y a trois ans. “En août dernier, j’avais arrêté d’investir chaque économie pour justement créer de la réserve avec l’objectif d’ouvrir une boutique à la fin 2020”. Un projet qui pourrait donc être reporté. “Comme ‘sole trader’, je ne suis pas certain d’avoir droit à quelque chose de la part du gouvernement”, se désole Maxime Maiano, appelant ainsi que la communauté française à soutenir son activité.
Adapter son activité
La solidarité entre Français, Florence Rebattet compte elle aussi dessus. Il faut dire que son activité en a pris un coup. Avec les règles de distanciation sociale mais aussi la fermeture des écoles, les choses ne sont pas simples sachant que le principe de son entreprise est de donner des cours de cuisine aux enfants à domicile ou dans des établissements scolaires. Certes, la fondatrice de Kids en Cuisine a été prévoyante avec quelques réserves de trésorerie, mais cela ne suffira peut-être pas à maintenir sur le long terme son activité qui était jusque la crise de coronavirus en plein boom. “Je pense que la reprise se fera en septembre, mais les choses n’iront mieux qu’à partir d’octobre”, estime la jeune femme, “et mon but n’est pas de mettre l’entreprise en péril sur ces dix prochains mois”. Elle a réussi à maintenir les salaires de ses chefs. “Pour moi, ils sont une part du succès de Kids en Cuisine donc il était normal que je puisse trouver une solution pour les aider aussi”.
Si pendant quelques semaines, la chef d’entreprise craignait de ne pas pouvoir transformer son activité en livraisons de paniers de fruits et légumes avec des idées de recettes en vidéo mais aussi de plats préparés, finalement elle a pu avoir accès aux marchés de grossistes pour mettre en route son idée. Une bonne nouvelle pour celle qui a aussi expérimenté le coronavirus de près. Elle est en effet tombée malade mi-mars. Depuis, la Londonienne d’adoption s’est remise sur pieds et est plus déterminée que jamais pour faire que Kids en Cuisine survive à cette tempête économique. Sur les réseaux sociaux, ses clients lui ont apporté du soutien notamment en se mettant en scène dans la cuisine et en utilisant son livre de recettes, qu’elle a publié en début d’année. En rupture de stock sur Amazon, Florence Rebattet possède encore chez elle 200 exemplaires de Cook with Flo qu’elle met aujourd’hui à la vente. Une bonne idée pour occuper les enfants en ces temps de confinement.