Agressés en pleine rue parce qu'ils parlaient… français

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Crédit : Pixabay / baptiste_heschung

Coup sur coup en un mois, deux Françaises ont été victimes d’actes xénophobes. La première, accompagnée de son petit-ami, a été insultée et menacée d’un couteau dans un square d’une ville située du Kent, la seconde a été agressée verbalement – ainsi que son fils – alors qu’elle était au téléphone dans une rue de Londres. Le point commun de ces deux affaires : les agresseurs ont reproché à leurs victimes de parler français.
Fabrice Joseph Arfi est encore en colère, même un mois après les faits. Pourtant, ce n’est pas ce Londonien d’adoption qui a été la cible directe de ce qui s’est déroulé en mai dernier dans un square de Folkstone, dans le sud-est de l’Angleterre, mais sa sœur, Victoria. “Elle est musicienne et elle était venue assurer un concert avec son petit-ami”, expose le Français, “alors qu’ils étaient en balade dans un parc, un groupe de cinq hommes leur sont tombés dessus”. La raison de cette agression est pour le moins surprenante. “C’est juste parce qu’ils parlaient français !”, s’étonne encore Fabrice Joseph Arfi, “du coup, ils ont sorti un couteau en criant “We’re going to kill you French cunts” (littéralement, “on va vous tuer ‘en..lés’ de Français”, ndlr). Le couple a été ensuite roué de coups, après que Tristan, le petit-ami de Victoria, a réussi à désarmer un des agresseurs. “On leur a donné des coups de pieds et de poings, mais ils sont parvenus à se relever et à fuir dans une ruelle”, confie le frère de la victime.

“Le Brexit a déclenché une libération de la parole raciste”

Pas étonnant pour lui que de tels faits se soient déroulés dans cette ville, qui “a fortement voté pour le Brexit”. Y voit-il un lien avec l’agression ? “Je ne sais pas s’il on peut relier cela directement mais la situation actuelle a déclenché une libération de parole raciste, le Brexit a en quelque sorte par magie permis d’exercer ce racisme librement”, lance le Français installé au Royaume-Uni depuis 1995. Pour lui, le fait que ce groupe de cinq hommes a attaqué sa sœur et le petit parce qu’ils parlaient français n’est qu’une excuse pour extérioriser leur haine de l’étranger. Mais cette crise britannique est bien plus profonde que le Brexit, selon Fabrice Joseph Arfi. “Est-ce qu’il faut s’étonner de ce type acte 20 ans après la suppression de l’éducation gratuite dans les facultés ? Le niveau d’éducation est en baisse depuis près de 30 ans faute de moyens”, lance celui qui a déjà été candidat à des élections locales dans le pays.
Cependant, le Français refuse de réduire, suite à cet incident qui n’a pas traumatisé pour autant sa sœur “habituée à la vie parisienne” et qui reviendra avec plaisir jouer en Angleterre, le Royaume-Uni à un pays violent et xénophobe. ”Les Britanniques restent friands de la culture française et il y a toujours eu une grande communauté française dans le pays qui n’a jamais été trop mal perçue”, analyse-t-il mais en restant inquiet. “La solution n’est pas de plier bagage, quoique, si l’économie britannique continue comme ça, les actes racistes augmenteront et la situation sera intenable pour les étrangers. Mon seul conseil, c’est de tenir bon, de continuer tant qu’on pourra”.

“Il m’a hurlé dessus en me disant de me taire, que je n’avais pas le droit d’être là”

Un avis que partage Catherine*, cette mère de famille installée à Londres et mariée à un Britannique. “Ce serait trop facile de s’en aller face à de tels actes”, confie la quadragénaire. Pourtant, elle n’aurait jamais cru vivre coup sur coup deux agressions de la part des concitoyens de ce pays qu’elle connaît depuis près de 25 ans. “L’atmosphère a changé”, reconnaît-elle, “peut-être que je suis plus sensible maintenant que je suis maman”.
La première fois que la Française a été agressée c’était il y a un mois, alors qu’elle était au téléphone avec sa mère et qu’elle emmenait son fils à la crèche. Un homme d’une soixantaine d’années l’a insultée après l’avoir entendu parler français. “Il m’a hurlé dessus en me disant de me taire, que je n’avais pas le droit d’être là et que c’était à cause de gens comme moi que le pays avait des problèmes ou que le système de santé était en train de couler”, raconte Catherine. Sur le moment, elle n’ose alors rien répondre, tellement elle est sous le choc de ces propos et par peur d’effrayer son fils et sa mère. Mais elle reprend ses esprits et demande alors à son agresseur de “ne pas utiliser des mots grossiers” en présence de son petit.
La seconde agression a eu lieu quelques jours plus tard dans un parc de la capitale. Cette fois-ci c’est son fils qui en a été la cible directe. Alors qu’il est en train de jouer dans un bac à sable, une mère l’interpelle en lui disant : “Je ne comprends rien à ce que tu dis, tu parles “foreign” (à traduire par “tu parles étranger”, ndlr)”. Un choc pour la Française, qui analyse ce type d’agression verbale par le fait que le problème aujourd’hui n’est pas de s’exprimer en français, “car la communauté française à Londres n’est pas targuetée contrairement à d’autres nationalités, mais de ne pas le faire en anglais. Le mot “foreign” désigne désormais l’immigration européenne, c’est une sorte de nouvelle nationalité, de nouvelle langue pour les racistes”, commente-t-elle.
Selon elle, le Brexit a ouvert “la boîte de Pandore”. “Cela fait longtemps que c’est latent, mais avec le référendum la parole s’est libérée”, analyse Catherine, qui tempère en expliquant que si ce genre d’agressions arrive plus souvent qu’avant, à Londres, de tels événements restent encore rares. “Mais ce serait dommage de devoir élever mon fils dans cette ambiance. Je n’ai pas envie qu’il soit harcelé à l’école”.

Que faire en cas d’agression ?

Elle regrette cette nouvelle atmosphère qui règne non seulement au Royaume-Uni mais aussi dans toute l’Europe. “J’ai quitté la France en 1994 à cause du climat raciste, je ne veux pas retrouver cela ici. Je reste une éternelle optimiste, alors j’espère que les choses vont s’arranger”, conclut-elle en expliquant qu’il ne faut pas généraliser son cas. “Par mon témoignage, je souhaite simplement faire avancer le débat et plutôt faire ressortir le fait que souvent l’ignorance et la mécompréhension de l’Histoire et de l’Union européenne est probablement la raison pour laquelle ce genre de choses nous est arrivé et ou que nous ayons été témoins de cette colère. Ici est ma maison, après 25 ans. C’est là que j’ai décidé de travailler, de vivre, de me marier et d’élever mon enfant”. Et Catherine compte bien continuer.
Interrogé, le Consulat général de France à Londres explique de son côté que “les Français reçus suite à une agression ont très rarement fait état d’un lien entre celle-ci et leur nationalité”, mais reconnaît que “ce type d’agression ‘ciblée’ peut exister, mais représente une très faible minorité par rapport au volume global des crimes et délits dont des compatriotes sont victimes à Londres et au Royaume-Uni en général”. En cas d’agression de ce type, la représentation française conseille de s’adresser non seulement aux services de police mais aussi au service des affaires sociales du Consulat général, “qui pourra conseiller utilement les victimes, en fonction de la situation”. Une assistance consulaire pourra ainsi être apportée et une liste d’avocats est déjà en ligne sur le site du Consulat au cas où la victime souhaiterait porter plainte.


*prénom modifié, la Française préférant rester anonyme

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