Pousser la porte de la première boutique de parfums londonienne de Marc-Antoine Barrois, c’est un peu comme tomber dans le terrier du lapin d’Alice au Pays des Merveilles. D’abord parce qu’un lapin géant d’un bleu Klein pend, tête inversée, depuis le plafond. Mais aussi parce que le Français a imaginé sa boutique comme une bulle où le temps serait comme suspendu. “Je voulais que les gens qui viennent pour une consultation soient au calme, le temps d’un voyage olfactif, et qu’entrer ici soit une manière de se déconnecter d’un monde qui va vite”, confie Marc-Antoine Barrois. 

Sa boutique, installée à l’entrée de la Piccadilly Arcade, entre Green Park et Piccadilly Circus, a ouvert ses portes le 14 septembre dernier. C’est grâce à Ariane Vayid d’Incau, fondatrice de Ariane London agence spécialisée dans la recherche d’adresses commerciales à Londres, que le Français a pu s’installer. Marc-Antoine Barrois s’est tout de suite projeté lors de sa visite en novembre 2021. Et puis, être en plein cœur de la cité londonienne était une évidence pour ce créateur. “Je viens du Nord de la France, à mi-chemin entre Paris et Londres”. S’il se sent si connecté avec la capitale anglaise, c’est aussi parce qu’elle cultive l’imaginaire. “Ici, c’est un univers de contes pour enfants, que ce soit Peter Pan, Harry Potter, ou encore parce que Kipling a écrit Le Livre de la Jungle à quelques pas de là”. 

Il aura collaboré avec les plus grands de Dominique Sirop, à Jean-Paul Gaultier en passant par Jean-Claude Jitrois…

L’imaginaire est un élément important pour Marc-Antoine Barrois. “Si on voit la vie de manière sérieuse, cela ne donne pas envie”, résume celui qui s’est donné deux missions dans la vie : apporter du beau dans la vie tout en respectant l’environnement. C’est d’ailleurs pour cela que ses parfums ne sont faits qu’à base d’éléments naturels. Mais avant de devenir parfumeur, le Français était surtout connu pour ses créations de vêtements haute couture pour hommes. Cette passion pour la mode est née très jeune chez lui. Issu d’une famille textile du Nord de la France, Marc-Antoine Barrois a toujours su qu’il voulait être créateur.

Ses parents le poussent néanmoins à décrocher un diplôme d’ingénieur dans le textile. Mais sa passion le rattrape vite et il lance une première collection. Puis sa rencontre, alors qu’il est encore en études, avec Dominique Sirop, qui travaillait à l’époque chez Givenchy, va être déterminante. Il intègre alors la maison du designer, puis il ira rejoindre Jean-Paul Gaultier chez Hermès et Giambattista Valli avant de se rendre compte en dessinant une collection masculine chez Jean-Claude Jitrois qu’il existe un vrai besoin de pièces uniques, créatives et élégantes pour hommes.

C’est en 2009 qu’il fonde sa propre maison de couture, qui porte son nom. Il y propose un service de grande mesure contemporaine, offrant ainsi aux hommes ce que la Haute Couture offre aux femmes. Mais une rencontre va apporter un nouveau tournant dans sa vie. Celle d’avec le grand parfumeur Quentin Bisch, parfumeur, en 2015. “Quand on s’est rencontré la première fois, on portait le même parfum, qui était en fait le mélange de deux fragrances. On avait le même âge, le même langage, nos pères exerçaient la même profession d’enseignants”. Marc-Antoine Barrois vient alors de rencontrer son “jumeau référentiel”.

Il décroche à Londres le plus grand prix en parfumerie au monde

Cette “véritable osmose créative” les pousse à travailler ensemble pour lancer un parfum. C’est ainsi que né “B683” un an plus tard. Un choix de nom quelque peu énigmatique, mais qui est inspiré par l’astéroïde du Petit Prince de Saint-Exupéry et par la date de naissance du couturier. Pour cette première création, les deux Français y mêlent “cuir et épice dans un raffinement subtil, puissant et racé”. C’est un véritable succès et même l’épouse du chanteur britannique Robbie Williams en est folle au point de déclarer que ce serait la seule chose qu’elle sauverait des flammes en cas d’incendie de sa maison. 

Marc-Antoine Barrois et Quentin Bisch décident de continuer sur leur lancée et créer un deuxième parfum, après deux ans de travail. “Ganymède” – inspirée du nom du satellite de Jupiter – naît en 2019, mêlant toujours le cuir mais avec une touche de fraîcheur et de minéraux. Le parfum plaît tant qu’il remporte en 2020 le prestigieux “Prix du parfum extraordinaire” – Oscar de la parfumerie – dont la cérémonie se tenait à Londres. “En une minute, des dizaines de milliers de personnes ont découvert notre création”. Au point que les demandes ont été multipliées par quatre dans le monde. “On a connu 136% de croissance en 2021 et plus de 200% en 2022”, précise Marc-Antoine Barrois.

Pour leur troisième création, la pression était donc à son comble. “On y a mis toutes nos tripes. Il y a toujours cette peur de décevoir. Quand on crée un vêtement, on a le droit à l’erreur car on peut toujours se rattraper. Avec un parfum, on parle davantage d’une création pour les 50 à 100 ans à venir”. “Encelade” est donc venue compléter cette collection de parfums que le Français veut être de véritables signatures et dont la composition est la plus naturelle possible. 

Le prix de 2020 aura ainsi permis à Marc-Antoine Barrois d’ouvrir sa première boutique à Paris, près du Louvre. Deux ans après, il traverse donc la Manche pour faire connaître son univers olfactif teinté d’imaginaire. “J’essaie de mettre de la sincérité dans mes parfums, j’espère que les personnes qui viendront découvrir la boutique auront cette envie de revenir”.