C’est un choix que les moins de de 40 ans ne peuvent pas connaître. En effet, le gouvernement britannique a pris la décision début mai dernier de n’administrer l’AstraZeneca qu’aux personnes âgées de plus de 40 ans. Problème, certains, dont des quadragénaires Français du Royaume-Uni pourtant éligibles à la vaccination, refusent toujours de recevoir un seule dose du sérum découvert par l’entreprise pharmaceutique anglo-sudéoise. En cause, les effets secondaires mais aussi le manque de protection face aux variants.
“Qui leur dit que je ne serais pas celle qui finira dans les statistiques ?”
“Franchement, je préfère ne pas être vaccinée que de recevoir de l’AstraZeneca”. Cette position c’est celle de Claire*, 44 ans. Cette Française vivant à Londres depuis plus de 10 ans a choisi de ne pas recevoir son vaccin, malgré les relances répétées du NHS. “Je n’arrête pas de recevoir des textos m’invitant à prendre rendez-vous, mais je les ignore. Ce n’est pas que je refuse le principe de la vaccination, c’est simplement parce qu’on ne me laisse pas le choix du vaccin”, complète la quadragénaire. Pour elle, AstraZeneca présente trop d’effets secondaires. “Les scientifiques ont beau dire que les cas de thrombose sont rares, mais qui leur dit que je ne serais pas celle qui finira dans les statistiques ? Je n’ai pas envie de prendre de risques”, lance Claire.
Pourtant, les autorités sanitaires britanniques ont rapporté au 23 juin, seuls 395 cas de caillots sanguins (70 en sont décédés) sur 24,5 millions de premières doses et 20,7 millions de secondes doses réalisées à l’AstraZeneca. Mais pas de quoi rassurer la Française, qui a tenté de convaincre son médecin traitant de lui proposer une alternative. “J’ai eu beau parler avec mon GP, il ne veut toujours rien entendre. Il me répète que je ne crains rien, mais je trouve son instance un peu suspicieuse”. A ce point ? Oui, répond la quadragénaire. “Pourquoi ne pas m’offrir du Pfizer ou du Moderna si la vaccination est si importante ? C’est complètement illogique ce qu’ils font”.
Stéphane* refuse lui aussi qu’on lui administre de l’AstraZeneca. La raison pour ce chef d’entreprise installé en Angleterre réside sur la question de l’âge. Le Français londonien ne comprend pas quelle est la différence entre lui, qui a fêté ses 40 ans en avril dernier, et quelqu’un qui serait âgé de 39 ans et 11 mois. “Je l’ai ressenti un peu comme une injustice. Certains peuvent penser que c’est du caprice, mais je m’en fiche royalement. On a le droit de se poser ce genre de questions, surtout quand on sait qu’en France, les moins de 55 ans n’ont pas le droit à l’AstraZeneca”. Lui aussi s’étonne donc que les autorités sanitaires britanniques ne lui laissent pas le choix de son vaccin. “Enfin, cela ne me surprend qu’à moitié”, rectifie-t-il, “j’ai bien compris que Boris Johnson voulait liquider ses stocks d’AstraZeneca. Ce n’est que des questions d’argent tout ça, voire même de politique. Je me demande bien si c’est pas fait pour embêter les Européens pour bien leur rappeler le Brexit”.
Inquiétude sur l’efficacité
Amira* s’inquiète plutôt de l’efficacité du vaccin en lui-même. “Les recherches le disent : AstraZeneca est bien moins efficace face aux variants, et notamment indien”, se désole cette maman de 46 ans qui habite dans le Nord de l’Angleterre, proche de la frontière avec l’Ecosse. Donc pour elle, hors de question de prendre le risque de se faire vacciner “pour rien”. “On veut être aussi bien protégés que celles et ceux qui ont reçu le Pfizer ou le Moderna, il n’y a pas de raison !”. Cependant une étude de Public Health England paru en juin montre qu’AstraZeneca, après deux doses, reste efficace face au variant Delta, notamment sur les formes graves. Mais il est vrai que sur les formes symptomatiques qui ne nécessitent pas une admission à l’hôpital, le pourcentage est un peu plus faible avec une efficacité située à 60%. C’est un peu moins bien que le Pfizer, qui s’en sort avec un taux de près de 80%.
Ce n’est pas à cause de sa potentielle inefficacité qu’Isabelle*, 65 ans, ne veut pas de l’AstraZeneca. Mais parce qu’elle aimerait simplement revoir ses petits-enfants qui vivent aux Etats-Unis. “Ma fille est mariée avec un Américain, et ils vivent en Californie”, commente la Française, “le problème c’est qu’aux Etats-Unis l’AstraZeneca n’est pas reconnu pour le moment. Sauf que j’aimerais bien, dès l’ouverture des frontières, aller voir ma fille et mes petits-enfants que je n’ai pas revu depuis près de deux ans”.
Se faire vacciner en France
La retraitée, installée dans le Sud de l’Angleterre, va donc tenter d’aller se faire vacciner en France cet été “car au moins là-bas on peut choisir le vaccin que l’on veut recevoir”. “Je pars en août et j’ai déjà réservé ma première injection de Pfizer sur Doctolib“, confie Isabelle, “et vu que le délai a été raccourci par les autorités françaises, je vais faire le seconde dose également sur place”. Un soulagement pour cette grand-mère qui réalise, dit-elle, de la chance qu’elle a. “Je pense à tous ces Britanniques de mon âge à qui on n’a donné aucune alternative, alors que, moi, étant française, je peux rentrer et bénéficier d’un autre vaccin”.
Même si la Direction Générale de la Santé insiste sur le fait que les Français de l’étranger, sauf en cas de non accès à des vaccins, doivent recevoir leurs injections dans leur pays d’accueil, dans les faits, c’est effectivement possible pour un Français du Royaume-Uni de se faire vacciner en France. Il suffit de présenter sa carte vitale si elle est toujours valide ou une pièce d’identité française lors du rendez-vous dans un vaccinodrôme, chez un médecin ou une pharmacie.
C’est ce qu’a d’ailleurs déjà fait Stéphane. Le chef d’entreprise est rentré en France mi-juin, dès l’annonce de l’ouverture à la vaccination pour tous. “Je n’ai pas hésité une seconde, j’ai pris mon billet et mon rendez-vous en ligne en même temps”, raconte le chef d’entreprise. Il a depuis reçu également sa seconde dose (dorénavant le délai entre les deux injections a été raccourci à 3 semaines de l’autre côté de la Manche, ce qui n’est pas le cas au Royaume-Uni où officiellement il est passé de 12 à 8 semaines) et se dit “heureux” et “soulagé”. Il va continuer à passer quelques semaines auprès de ses parents avant de rentrer au Royaume-Uni, où il espère que la quarantaine sera levée pour les personnes entièrement vaccinées.
Claire et Amira, elles aussi, ont prévu de recevoir leurs doses en France. La première dès la mi-juillet, la seconde en août quand elle rentrera voir sa famille dans le Sud. “J’ai tellement hâte”, confie la quadragénaire, “je vais pouvoir me sentir mieux protégée avec l’arrivée de l’automne et surtout de l’hiver”.
*Les prénoms ont été modifiés à la demande des interviewés