Brexit : des Britanniques demandent la nationalité française pour rester européens

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En 2018, le nombre de dossiers de nationalité traités au consulat de France à Londres s’est accru de +119%, alors même qu’en 2017 les demandes avaient déjà augmenté de 131%. C’est donc un nouveau record enregistré pour les services de l’Etat français basés dans la capitale anglaise. Parmi les dossiers traités, certains sont évidemment liés au Brexit. Beaucoup de Britanniques, ayant des attaches en ou avec la France, assurent leurs arrières et ont entamé ou entament des démarches d’obtention de la nationalité française, comme le confient trois d’entre eux à qui French Morning London a donné la parole.
Ed Alcock, photographe : Il vient d’obtenir sa citoyenneté française. Sa demande a été, dit-il en toute honnêteté, la conséquence du Brexit. Habitant en France depuis 2000, marié à une Franco-britannique, ayant un fils français, Ed Alcock a préféré prévenir que guérir vu comment se déroulent les négociations actuelles sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. “On n’est obligés en rien, mais on ne sait pas encore quelle sera l’issue de ce Brexit. Puis, mes démarches étaient une vraie réaction au résultat du référendum. Ma motivation était avant tout de continuer à rester européen. J’ai grandi en Angleterre mais je me suis toujours considéré européen et pour moi il était hors de question de laisser à un peu plus de 50% de mes compatriotes la possibilité de m’enlever cela”, justifie Ed Alcock.
S’il a obtenu que dernièrement sa nationalité française, le photographe a commencé les démarches dès le lendemain du référendum en juin 2016.
Pourquoi cela a-t-il pris autant de temps ? “En fait, j’ai tout de suite commencé à regarder les documents dont j’aurais besoin pour devenir français. Si cela a pris du temps, ce n’est pas la faute de l’Etat, c’est la mienne. Il y a eu un moment où j’ai traîné des pieds. Entre l’examen à passer ou encore les délais, les contrôles, qui prennent trois mois, puis encore un mois supplémentaire pour avoir les résultats, ça m’a un peu freiné au départ. Mais le pire a été de récupérer tous les documents nécessaires : acte de naissance personnel, de ses parents et même de ses grands-parents. Il faut des documents qui datent de moins de trois mois, et le temps s‘était écoulé entre les deux demandes de documents, il m’a donc fallu tout refaire”. Mais Ed Alcock reconnaît aussi, qu’outre l’administratif, il y a aussi le moment où il faut accepter l’idée de faire cette demande de nationalité. “Quand on parle de nationalité, cela implique pour moi l’idée de nation, qui n’est pas celle du nationalisme mais plus de l’appartenance d’un pays. Du coup, il y a une vraie question qui se pose. Cependant, comme je suis devenu mal à l’aise à l’idée d’être britannique depuis le référendum, je n’ai pas vraiment eu le choix”.
Patsy Matthiae, retraitée : La Britannique a été mariée à un Français pendant de nombreuses années et vit aujourd’hui à Saint-Germain-en-Laye. Dès son mariage, elle a pensé à demander la nationalité française. “Mais quand j’ai vu tous les documents à remplir, et sachant que l’administration française n’était pas la plus simple, j’ai laissé tomber”. Et puis à l’époque, les choses n’apparaissaient pas urgentes. “J’étais européenne donc je n’avais pas besoin de cette nationalité supplémentaire”, ajoute Patsy Matthiae. Mais le Brexit a tout changé. “Il y a tellement d’incertitudes, c’est pourquoi je me suis dit qu’il valait mieux mettre la situation au clair”. En décembre dernier, elle a donc déposé un dossier de demande de nationalité française. “Quand je suis arrivée au bureau de l’administration et que j’ai expliqué que j’étais britannique, la personne m’a lancé : “Encore une autre”. J’ai compris que nous étions nombreux à faire cette demande de nationalité, d’ailleurs un service spécial a été mis en place pour faire face à toutes ces demandes”, explique-t-elle.
Patsy Matthiae a alors dû passer un entretien de motivation et de culture début janvier. Le plus compliqué pour elle aura certainement été de rechercher tous les documents demandés. “Je me suis dit que c’était plus facile de trouver une licorne que les papiers qui étaient nécessaires”. Traduire son acte de naissance puis faire assermenter la traduction, obtenir le certificat de décès de ses parents ou encore fournir les justificatifs de sa retraite… “C’était un énorme dossier à constituer”, reconnaît Patsy Matthiae qui ne décolère pas depuis près de trois ans maintenant et la décision du peuple britannique. “Lors du référendum, je n’ai pas pu voter car je vis en France depuis longtemps et en tant qu’expatrié, je n’ai pas ce droit. Aujourd’hui, on subit quelque chose où on n’a aucun contrôle dessus. Je suis pleine de tristesse”, lance-t-elle. Elle explique avoir fait ces démarches de nationalité française pour éviter à demander éventuellement un visa après le Brexit et continuer à vivre en France. “Je ne veux pas prendre de risque. Maintenant je dois attendre entre un an et dix-huit mois pour avoir mon certificat”.
Jonathan Talbot, entrepreneur : Le Britannique, qui vit désormais aux USA, a lui aussi fait sa demande de nationalité française, car il a épousé il y a 27 ans une ressortissante française. “J’ai quatre enfants français, une épouse française donc pour moi il était l’heure de formaliser tout cela”, explique Jonathan Talbot. Bien sûr, le Brexit a joué sur l’urgence – “le contre-coup du résultat a duré quatre jours pour moi tellement la décision m’a paru stupéfiante”, raconte-t-il -, mais l’homme explique que cette étape était prévue depuis longtemps. Sa demande de nationalité a été enclenchée fin 2018 et il devrait avoir son premier entretien le 5 mars prochain. “Je vais devoir me rendre au consulat français à Los Angeles, ça fait un peu loin de Houston au Texas où on vit avec ma famille, mais j’irai sans problème”. Jonathan Talbot a déjà réuni tous les documents nécessaires, bien que récupérer son extrait de casier judiciaire ait été long à obtenir auprès des autorités américaines.
Qu’est-ce qui lui manquera le plus quand il deviendra français ? “Ne plus pouvoir me moquer d’eux comme avant. Nous, les Britanniques, nous avons toujours aimé taquiner les Français, mais là ça deviendra plus compliqué puisque je serai moi-même français!”. Plus sérieusement, les choses ne changeront pas fondamentalement dans sa vie. “On va continuer à vivre comme avant, la seule différence sera que je pourrai me rendre en France sans avoir besoin de demander un visa ou autre”.

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